Lettre ouverte aux dirigeants de Iamgold-Cambior

Cette lettre a été publiée le 30 Octobre 2007 par www.blada.com dans un Jodla d’Odile Farjat  : « Dans une lettre ouverte longuement argumentée, Pierre-Michel Forget s’adresse aux dirigeants de la société Iamgold et leur demande de renoncer à leur projet : « Vous qui vivez dans le grand Nord, vous avez pu percevoir que le changement climatique est en train d’affecter profondément votre Québec natal et les populations autochtones qui y résident sur le permafrost qui fond. Les causes sont multiples, certes, mais détruire plusieurs centaines d’hectares de forêt guyanaise pour quelques tonnes d’Or n’arrangera rien et contribuera à perturber votre et notre situation environnementale, ici-bas en Guyane, là-bas au Québec. Par contre, ne pas le faire affectera peu ou pas  vos graphes de profit et rendra un grand service à la Nature.»


En juin dernier, dans l’avion qui me reconduisait en France métropolitaine, je ne pouvais m’empêcher de penser à la montagne de Kaw, au projet d’exploitation aurifère de votre société, à l’enquête publique et aux deux avis contradictoires des enquêteurs. Alors que je conduisais vers l’aéroport, j’ai entre-aperçu en rouge tagué à l’arrière d’un panneau publicitaire, comme un dernier appel à l’aide au moment de quitter le DOM, ce maintenant très médiatisé « NON à Cambior ». Il s’adressait sans doute à vous, vous qui vivez au Canada, loin de la Guyane, loin de ses problèmes environnementaux et sociaux, bien au chaud dans vos bureaux climatisés et vos petites maisons en bois. Mais il était aussi adressé à toutes celles et tous ceux qui quittent la Guyane, et parmi lesquels, nombre de touristes et scientifiques qui ont passé un agréable séjour à visiter ou étudier la diversité des habitats naturels guyanais. Je suis de ceux-là. Ces habitats, je les côtoie depuis 1984, de manière plus épisodique maintenant, mais régulièrement. Depuis plus de vingt années – j’avais tout juste 23 ans quand j’ai mis le pied pour la première fois en forêt guyanaise – j’essaye de comprendre son fonctionnement. Mon but n’est pas uniquement la connaissance pour la science avec un grand ‘S’. je veux aussi partager ce savoir avec le public afin de préserver cet écosystème qu’on apprend être si vital pour notre climat et notre bien-être sur cette planète, comme pour de nombreuses autres espèces bien sûr. Pendant toutes ces années, je me suis rendu en Guyane et, pendant des semaines, des mois entiers, j’ai étudié son fonctionnement, sa diversité. Je ne suis pas un expert en botaniste ou en zoologiste, mais plutôt un écologiste, de ceux qui étudient l’écologie. L’étude des forêts tropicales : c’est mon métier. Je suis donc un écologiste au sens premier du terme comme défini en page 762 du volume 3 (édition 1985) du Dictionnaire de la langue française Le Robert ®, Écologie – 1874. 1866, Haeckel ; didact. Jusqu’en 1968-1970, où le mot s’est répandu ; du grec oikos « maison, habitat » et –logie, d’après economie. En français, cela signifie « Science qui étudie les milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que les rapports de ces êtres avec le milieu ». Je ne suis pas engagé dans l’écologisme (le mouvement politique qui nous a emprunté le sens premier de notre discipline scientifique) et, si je reste sympathisant, je ne peux tout de même pas m’empêcher de penser que nous pouvons tendre vers une meilleure adaptation de nos modes de vie à notre environnement naturel, qu’il soit vivant comme les animaux et les plantes, ou non vivant comme le substrat dans lequel s’enracine la vie sur terre, l’air oxygénée sans lequel notre existence est tout simplement impossible. L’étude des relations entre les organismes tropicaux au sein de leur habitat de vie, la forêt, leur maison (‘oikos’). La canopée de la forêt est aussi mon toit, mon lieu de vie, mon gagne-pain.

Je ne connais pas toutes les plantes ni tous les animaux, mais je crois pouvoir déterminer ce qui est important dans la forêt pour qu’ils puissent continuer à se reproduire et à se perpétuer pendant des centaines, des milliers d’années, et ceci bien avant que l’Homo sapiens ne s’y installe en venant du Nord par l’Isthme de Panama ou de l’Ouest après avoir traversé l’atlantique. Je n’ai pas les compétences scientifiques d’un botaniste ou d’un zoologiste pour dire si la diversité de cette forêt est faible ou élevée, et avancer des chiffres irréfutables. Pour cela, je lis et analyse les articles spécialisés. Mais, je peux en quelques kilomètres de marche en forêt dire si cet habitat est vital ou pas pour les animaux, et dire si les plantes présentes apportent des ressources alimentaires cruciales pour leur biologie et leur survie. Vous qui vivez dans le grand Nord, vous avez pu percevoir que le changement climatique est en train d’affecter profondément votre Québec natal et les populations autochtones qui y résident sur le permafrost qui fond. Les causes sont multiples, certes, mais détruire plusieurs centaines d’hectares de forêt guyanaise pour quelques tonnes d’Or n’arrangera rien, quelques unités sur vos graphes de profit, votre et notre situation environnementales, ici bas en Guyane, là-bas au Québec.

J’ai lu la presse, écouté les médias, et dernièrement visité la forêt de la montagne de Kaw, là où vous voulez extraire ce minerai, c’est Or si convoité depuis plus de 10 ans par Asarco, Cambior et votre société maintenant. Il y a eut ces deux rapports l’un favorable avec des réserves sérieuses, l’autre très défavorable ; c’est sans appel à mes yeux si on applique le principe de précaution. Une voix POUR, une voix CONTRE, et non deux voix contre une comme on peut le lire dans la presse. En terme de statistiques, les deux avis des deux premiers rapporteurs ne font plus qu’un seul car ils ne sont pas indépendants l’un de l’autre. Ils sont donc « poolés ». Il y a donc aucune majorité qui se dessine ; il faudrait un troisième avis. Pourquoi ne pas avoir demandé à un bureau d’expert scientifique indépendant, et non des experts qui sont concernés par votre projet pour leurs propres activités privés ? Le gouvernement va prochainement trancher mais sur quel base ? Est-ce que la troisième voix sera celle du Medef, pour le cas non indépendante dans cette affaire qui tranchera ? La Guyane à travers l’enquête publique a dit « NON ». Je suis d’accord, et je l’ai toujours été. On ne m’a pas demandé mon avis auparavant. J’ai été clair lors d’un interview à CO² Mon Amour sur France Inter alors que je débarquais à peine de l’avion en provenance de Guyane en juin dernier. Vous ne pouvez pas détruire cette forêt remarquable, un sanctuaire, le patrimoine naturel de l’humanité, car elle est un trésor irremplaçable à de multiples égards. Je ne suis pas le seul à penser ainsi mais personne n’ose vous affronter en Guyane, en Métropole. On se lamente sur le sort des baleines, des gorilles, des ours, des loups, mais personne en France ne veut se lamenter sur les Cock-de-roche et les singes araignées, deux espèces patrimoniales, emblématiques du plateau des Guyanes.

Comme de nombreuses personnes avant ces deux dernières décisions des commissaires, je me reposais sur des études d’impact et les relevés effectués par mes collègues en Guyane et divers bureaux d’études en environnement. Tous sont unanimes pour dire que ces habitats recèlent des espèces patrimoniales uniques, certaines endémiques de la région des Guyane. On a entendu dire des scientifiques qu’il y avait d’autres forêts riches. C’est faux. Kaw est parmi l’une des forêts les plus riches de Guyane, sinon du plateau Guyanais dans son ensemble. Aucune voix ne s’est élevée pour dénoncer ce raccourci de scientifiques non spécialistes de la flore et de la faune. Je n’ai pas entendu les botanistes crier leur désarroi ; personne n’est monté au créneau pour dire que la montagne était un site exceptionnel, digne d’être classée au tableau du Patrimoine de l’Humanité. Alors j’ai voulu passer de l’autre coté du miroir, et comme au Brownsberg, chausser mes bottes, aller voir cette forêt promise à la destruction si le « OUI » du gouvernement français et du Medef l’emportait. Ultime tentative, dernier essai pour voir, un coup de pocker dans ce jeu cynique. Je suis aller voir si on pouvait trouver des arguments solides pour vous faire reculer, vous faire changer d’avis, vous faire retirer votre projet, non pas sous la pression médiatique, non pas sous la pression de la rue, non pas sous la pression politique, non pas sous une pression militante, mais avec de nouveaux arguments, des arguments d’écologues, de scientifiques, le point de vue d’un écologiste qui nourrit son discours et sa réflexion de son expérience en forêt guyanaise.

En plus de 20 ans en forêt, je dois reconnaître que je m’étais encore peu aventuré sur la forêt de la montagne de Kaw. Tout au plus, avais-je mis les pieds récemment sur le layon de la Réserve Trésor au cours d’un séjour, celui-ci très personnel en période de carnaval 2004 qui m’avait inspiré au delà de ce qui est habituellement attendu d’un scientifique. Peut-être parce que j’ai vécu plusieurs années continuellement en Guyane, au rythme des saisons, avec son petit été de mars et son carnaval en particulier, je ne perçois pas ce pays comme d’autres qui le visite pour y trouver des données scientifiques, du minerai à exploiter et à exporter, les deux approches étant sans bienfait véritable pour le pays d’origine. Au cours de cette promenade en famille, presque dominicale comme nombre de Guyanais qui se rendent sur la Montagne de Kaw, qu’y ai-je découvert. J’y ai vu un arbre que j’ignorai être aussi proche de Cayenne. Alors, cette fois-ci, j’ai voulu pousser plus loin mes investigations sur le terrain accidenté de vos pistes et layons, lieux de vos sondages, là où mes collègues scientifiques botanistes et zoologistes n’avaient pas réalisé les études d’impact, comme pour me faire une véritable idée de l’écologie de la forêt de la Montagne de Kaw, que vous envisager de réduire à néant, de rayer de la carte pour des dizaines, des centaines voire un millier d’années avant qu’elle ne se reconstitue, jamais à l’identique.

Avant de poursuivre et de vous parler de l’identité de cette arbre que j’ai re-découvert, je vais vous raconter brièvement l’histoire de la forêt et de la station des Nouragues, qui fait partie de la réserve naturelle des Nouragues aujourd’hui. Vers la fin des années 70, mes collègues du Muséum à Paris ont implanté sur la rivière Arataye une station temporaire pour y étudier l’écologie de la forêt guyanaise. Auparavant, ils avaient prospecté toute la Guyane, jusqu’à Trois Saut et les Mont Tumuc Humac. Bloqué par le Saut Pararé, comme les orpailleurs du XIXème siècle, ils ont établi un camp provisoire et se sont mis à prospecter la forêt alentour sur les berges et les crêtes à un ou deux kilomètres. L’un d’entre eux s’est même rendu sur un inselberg avec un amérindien à quelques kilomètre de là. Il sera notre guide quand nous y retournerons en mars 1986 pour repérer ce qui deviendra le site de la station du CNRS à l’inselberg des Nouragues. Pourquoi cette forêt ? Pourquoi pas une autre ? Kaw, par exemple, aurait été un site appropriée à l’époque. Pure coïncidence, ou contingence je dirais même. Loin des zones habitées, le premier village étant Régina à l’embouchure de l’Approuague, ils ont trouvé dans la forêt de l’Arataye tout ce que la forêt recèle d’animaux et de plantes nécessaires à leur études de zoologistes, de botanistes, d’écologistes. Les botanistes voulaient identifier les plantes consommées et dispersées par les animaux, des rongeurs, des singes, des oiseaux, des tapirs, etc… Auparavant, les botanistes en Guyane à l’IRD (ex ORTOM) se souciaient peu des animaux étant plutôt occupés à nommer le nom des arbres et à estimer la diversité des plantes herbacées et autres palmiers en forêt de Saül et sur la piste de Saint Elie, autant de sites subissant aujourd’hui une très forte pression anthropique. Les zoologistes du Muséum, en véritable pionnier, voulaient s’émanciper de ce biais et donc s’installer dans un site en apparence peu affecté par l’Homme. A l’Arataye, Hocco, Agami et Ateles y évoluaient à profusion, signe évident d’une forêt retournée à l’état naturel, presque vierge depuis que les amérindiens Norak avaient disparu il y a deux siècles.

Sur l’Arataye, un jeune botaniste-écologiste Daniel Sabatier de l’Université de Montpellier (maintenant chercheur à l’IRD) y découvrit une nouvelle espèce d’arbre, Virola kwatae, qu’il décrira vingt années plus tard en l’honneur de l’ateles ou singe araignée (kwata en nom local). Daniel Sabatier a étudié au cours de sa thèse la fructification de cet arbre et les animaux qui en consommant les fruits dispersent ses graines. Dans son sillage, en collaboration, nous avons étudié sa régénération. Plusieurs années plus tard, en me rendant au Suriname, j’ai découvert que cette espèce était aussi présente au Suriname au Volzberg-Ralleyvallen dans la réserve du centre du Surinam, là où a travaillé Marc van Roosmalen, et au Parc Naturel du Brownsberg que votre société connaît bien. Cet arbre continue à être visité et dispersé par les singes araignées et les toucans dans ces deux forêts qui sont aujourd’hui classées, dont l’une d’entre elle (Ralleyvallen) étant classée Patrimoine de l’Humanité par l’Unesco. De cette dispersion des graines dépend la survie de l’arbre à long terme, de-là celles des animaux frugivores. J’ai découvert que cet arbre était aussi sur la Montagne de Kaw. Et cela, personne ne l’a dit. Pourquoi ?

Il y a bien eu ces diverses enquêtes floristiques effectuées par Bruno Bordenave sous couvert de l’IRD à Cayenne. Elle sont totalement incomplètes, biaisées, et n’abordent pas ce qui est le plus important dans cette forêt : la diversité des arbres et de leurs fruits, la principale ressource alimentaire des animaux frugivores. Cette personne était à l’époque étudiant au Laboratoire de Phanérogamie du Muséum où il a préparé une thèse (présentée en 1996) sur les « Mesures de la diversité spécifique des forêts de Guyane » une étude basée pour partie sur les inventaires réalisés en forêt de Kaw dans le cadre de l’étude d’impact Asarco. L’indépendance n’est pas de règle ici. A ma connaissance, les résultats de ses recherches en Guyane sur les cortèges de végétaux (lianes, épiphytes, arbustes et plantes herbacées), menées il y a plus de dix années, n’ont pas été publiés dans les revues internationales qui valident en général ces études. Pourquoi ? Fallait-il cacher la richesse de la zone à détruire ? Il a tout de même publié deux chapitres (avec Jean-Jacques de Granville comme co-auteur) dans l’ouvrage collectif édité par Marie Fleury et Odile Poncy en 1998 et publié par la revue d’ethnobiologie JATBA, volume 40 (1-2). Ces travaux montrent en effet que la diversité végétale de la Montagne de Kaw est élevée pour les groupements végétaux qu’il a étudiés. Cependant, pour les arbres, et notamment les peuplements d’arbres de Kaw, un article de Poncy et al. dans le même ouvrage cité ci-dessus souligne l’insuffisance chronique des collections et des inventaires à Kaw. Ces collections pauvres de la flore arborée de Kaw donnent donc une image tronquée de la diversité dans cette forêt qui est fortement diversifiée en terme d’habitats en raison de son altitude élevée et de la forte pluviométrie (maximale en Guyane, comme à Rochambeau voire plus). Depuis cette analyse fort pertinente, un seul inventaire a été mené par Hans ter Steege et al. (2003) sur le site de Réserve Trésor ; il est venu confirmé ce qui était déjà suggéré par Poncy et al. (1998) et Bordenave et de Granville (1998) pour l’interfleuve Approuague-Oyapock (qui se prolonge jusqu’à la montagne de Kaw), à savoir que la diversité des arbres de Kaw est très élevée, peut-être la plus forte en Guyane (mais faute de données précises, on ne peut pas conclure). D’autres études sont actuellement menées au Suriname par Hans ter Steege et son équipe de l’université d’Utrecht (Pays-Bas) qui devraient discuter l’importance de cette forêt de Kaw en matière de diversité arborescente et qui se rapprocherait de celle du Brownsberg Natural Park au Suriname. En effet, cette espèce de Yayamadou (Virola kwatae) est un des arbres les plus grands de Kaw (de l’ordre de 50 m maxi). Ceci suggère donc que la forêt de Kaw est une forêt relictuelle (pour l’arbre et le singe) qui est à protéger en priorité. Il faudrait aussi y réintroduire les animaux (le singe kwata notamment) qui y ont été chassés, afin de préserver l’intégrité des services écologiques qu’ils rendent à la Nature.

On a aussi oublié l’importance de la forêt pour les autres animaux qui peuplent cette montagne. Voilà ci-dessous rappelé en référence ce que l’on peut lire (passages sélectionnés) dans trois rapports sur la diversité botanique de la Montagne de Kaw. Cela se passe presque de commentaire. Cela suffit à démontrer que votre projet minier Iamgold à Kaw est en contradiction totale avec la volonté du Gouvernement français de stopper la chute de la biodiversité en 2010. Si un tel projet était mis en œuvre, il faudrait des centaines, voire des milliers d’années, aux futures générations et gouvernements de notre pays pour compenser les pertes en espèces endémiques et/ou charismatiques du Plateau Guyanais, le Coq de Roche (Théry et Larpin 1993) ou le yayamadou montagne que je viens d’évoquer (voir les illustrations sur le site de la Réserve Naturelle Trésor (http://rnvtresor.free.fr/Flash/fruits.swf). Si les sites de nidifications des coqs de roche et les animaux frugivores ne sont pas directement touchés par votre projet (projet de protection de la faune), en revanche la forêt où ils s’alimentent serait elle totalement détruite. Par ailleurs, on peut aussi parier que la structure de la forêt serait transformée au point d’affecter les caractéristiques des sites de parades et la structure de la canopée de la forêt où vivent ces vertébrés frugivores emblématiques de la Guyane, et donc leur alimentation et leur reproduction (Théry 1990, 1994, Théry et Endler 2000 ; van Roosmalen 1985). A moins de les conserver dans des zoos (où dans d’autres réserves naturelles), on voit mal comment ceux-ci pourraient survivre à proximité de votre projet minier sur la Montagne de Kaw.

C’est pourquoi, Messieurs les dirigeants de la société Iamgold, comme l’on fait avant vous d’autres sociétés minières au Suriname qui ont abandonné leur projet d’exploitation de la Montagne du Brownsberg devenu depuis le Parc Naturel du Brownsberg, je vous demande de retirer votre projet et d’aider le gouvernement français à créer un Parc Naturel de Kaw englobant toute la montagne et le Marais éponyme.

Pierre-Michel Forget
Maître de conférences
Muséum National d’Histoire Naturelle
Président (2008) de l’Association for Tropical Biology and Conservation (ATBC)

Organisateur du colloque ATBC2008 au Suriname, 9-13 juin,

http://www.atbc2008.org

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Rappel et références

Premier rapport : Bordenave et de Granville (1998)

Dans le chapitre traitant de la forêt terre ferme de basse altitude haute (35-45 m du sol) de pente et de crêtes

« plusieurs chutes d’eau pittoresques y ont été observées au cours de nos prospections » (figure 3 du rapport)

Richesse spécifique, hétérogénéité et structure des peuplements ligneux.

Page 20 :
«… en forêt sommitale ainsi que dans les parcelles de forêt de terre ferme TF une richesse spécifique particulièrement élevée pour les arbustes, et les indices d’hétérogénéité assez élevés. »
« indice de forêt marécageuse habituel mais reste élevé pour al forêt marécageuse »
« dans les thalwegs la richesse spécifique est moyenne mais l’hétérogénéité du peuplement arbustif est élevé »

Page 21 :
« Ces peuplements sont donc hétérogènes en particulier dans les sites S, TF, BF mais également dans les P, C et T, ce qui confirme la biodiversité forte en forêt de terre ferme des flancs de montagne et relativement élevée en forêt marécageuse »

Richesse spécifique et hétérogénéité des peuplements herbacés terrestres.

« Diversité remarquablement élevée chez les herbes des forêts de thalwegs avec un peuplement hétérogènes ».

A. Végétation thalweg encaissés. Zone la plus riche en espèce. Biodiversité remarquablement élevée pour les herbes.
B. Végétation cuirasse sommitale. Diversité spécifique très élevée pour les arbustes.
C. Végétation Terre ferme de crêtes . Biodiversité très élevée pour les arbustes.
D. Végétation Bas-fonds/marécage. Assez riches, très hétérogène.
A propos de l’endémisme : Miconia oldemanii (Mélastomataceae) : « endémique de la Montagne de Kaw » ; Bactris sp. Nov. (Arecaceae) palmier.
E. Végétation Terre ferme crête et pente. 302 espèces. Pas de groupes dominants. Nombreuses espèces endémiques.

Conclusion (page 41)

« ensemble remarquable d’espèces patrimoniales »

Second rapport : Bordenave et al. (2000)

« En comparaison avec d’autres régions de Guyane, l’abondance d’espèces remarquables (35 taxons dénombrés sur la zone) font de cette partie de la montagne de Kaw et des collines avoisinantes une région de première importance en ce qui concerne le patrimoine naturel guyanais. »

Dans une autre étude (Ter Steege et al. 2003) (n’est pas une étude d’impact) menée par une équipe de botanistes de l’Université d’Utrecht et du centre IRD de Cayenne, « A total of 442 trees > 10cm DBH was found on the 1-ha plot. …Preliminary species count based on certain identifications and morpho-species is 164. The resulting Fisher’s _ (a diversity measure, corrected for sample size and widely used to compare plots) is 94.4.” La conclusion est : “The tree diversity of Trésor 1 is high. In fact it is almost as high as a similar shaped 1- ha plot near Saül (Sabatier et al. unpublished data). It is a little higher than expected from the from the current Amazon diversity map (ter Steege et al. in press) but only by a small degree”).
En d’autres termes, sur un carré de 100 x 100, ils ont inventorié 442 arbres de plus de 10 cm de diamètres, et déterminé 164 espèces ou morphotypes (espèces non déterminées), ce qui détermine une richesse particulièrement élevée, parmi les indices les plus élevés, en forêt guyanaise, voire supérieure à ce qui est attendu d’une telle forêt amazonienne. Ces résultats confortent les précédentes études de Bordenave et al. (1998, 2000) qui étaient largement limitées aux plantes herbacées et aux arbustes.

Réserve Naturelle Trésor :
http://www.tresorrainforest.org
http://rnvtresor.free.fr/
http://perso.orange.fr/drrt.guyane/tresor.html
http://voyageenguyane.free.fr/tresor.htm

Références
Bordenave, B., et De Granville, J. J. 1998. Etat initial de la végétation forestière de la montagne de Kaw en Guyane. Rapport d’étude botanique sur les permis d’exploration minier ASARCO. IRD, Cayenne.
Bordenave, B., Raes, N., et De Granville, J. J. 2000. Etat initial de la végétation forestière de la montagne de Kaw -2. Rapport de la seconde étude botanique caractéristique de la composition floristique et de la structure de la végétation de la pente Sud-Sud-Est des permis d’exploration minière ASARCO de la montagne de Kaw. IRD, Cayenne.
Ter Steege, H., Sabatier, D., Molino, J. F., Bánki, O., Prévost, M.-F., et Pelissier, R. 2003. Report of the establishment of a permanent one-hectare plot in Réserve Naturelle Volontaire Trésor. Utrecht University, National Herbarium, Utrecht.
Théry, M. 1990. Influence de la lumière sur le choix de l’habitat et le comportement sexuel des Pipridae (Aves : Passeriformes) en Guyane française. Rev Ecol-Terre Vie 45: 215-236.
Théry, M. 1994. Couleurs et parades d’oiseaux en forêt tropicale. Rev. Palais Découverte S44:71-76.
Théry, M., et Endler, J. D. 2000. Habitat selection, ambient light and color patterns of birds. Pages 161-165 in F. Bongers, P. Charles-Dominique, P.-M. Forget, and M. Théry, editors. Nouragues. Dynamics and plant-animal interactions in a neotropical rainforest. Kluwer Academic Publisher, Dordrecht, The Netherlands.
Théry, M., et Larpin, D. 1993. Seed dispersal and vegetation dynamics at a cock-of-the-rock’s lek in the tropical forest of French Guiana. Journal of Tropical Ecology 9:109-116.
Forget, P.-M., et Sabatier, D. 1997. Dynamics of a seedling shadow in a frugivores-dispersed tree species in French Guiana. Journal of Tropical Ecology 13:767-773.
van Roosmalen, M. G. M. 1985. Habitat preferences, diet, feeding strategy and social organization of the black spider monkey (Ateles paniscus Linnaeus 1758) in Surinam. Acta Amazonica (supplement) 15:1-238.


Cette lettre a été publiée le 30 Octobre 2007 par www.blada.com dans un Jodla d’Odile Farjat  :

« Dans une lettre ouverte longuement argumentée, Pierre-Michel Forget s’adresse aux dirigeants de la société Iamgold et leur demande de renoncer à leur projet : « Vous qui vivez dans le grand Nord, vous avez pu percevoir que le changement climatique est en train d’affecter profondément votre Québec natal et les populations autochtones qui y résident sur le permafrost qui fond. Les causes sont multiples, certes, mais détruire plusieurs centaines d’hectares de forêt guyanaise pour quelques tonnes d’Or n’arrangera rien et contribuera à perturber votre et notre situation environnementale, ici-bas en Guyane, là-bas au Québec. Par contre, ne pas le faire affectera peu ou pas  vos graphes de profit et rendra un grand service à la Nature.»


Post-scriptum

Avec Odile Poncy, nous avons participé en décembre 2007 à la mission d’expertise début décembre 2007 qui s’est conclue par un rapport et l’abandon du projet le mois suivant.

© Pierre-Michel Forget